Pirandello – Essence, caractères et matière de l’humorisme

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Luigi Pirandello – Essence, caractères et matière de l’humorisme

1908, Folio essais, pp.129-131 et 141

« Ce n’est que par le comique amer que peut se définir, dans son anormalité, la condition de l’homme qui ne se trouve presque jamais dans le ton et qui joue simultanément du violon et de la contrebasse ; qui ne peut avoir une pensée sans que lui en naisse aussitôt une autre, opposée et contraire ; qui pour une raison qu’il aurait de dire oui, se découvre sur-le-champ envahi par deux ou trois autres raisons qui le contraindront à dire non, et qui, entre le oui et le non, le tiendront en suspens, perplexe pour toute la durée de sa vie : un homme donc qui ne peut s’abandonner à un sentiment quelconque sans y détecter quelque chose qui lui fait la nique, le trouble, le déconcerte et l’irrite. […]

Toutes les fictions de l’âme, toutes les créations du sentiment, nous allons voir qu’elles sont la matière de l’humoriste, c’est-à-dire que nous allons voir la réflexion transformée en une sorte de petit démon qui démonte le mécanisme de chaque image, de chaque phantasme engendré par le sentiment : on démonte afin de voir comment c’est fait, on détend le ressort et tout l’ensemble du mécanisme, agité de mouvements convulsifs, émet alors des sons stridents. Il peut se faire que parfois cela se produise avec cette sympathie indulgente dont parlent ceux qui ne connaissent qu’un humorisme bon enfant. Mais il ne faut pas s’y fier, car si la disposition à l’humorisme présente parfois cette particularité, je veux dire cette indulgence, cette compassion ou cette pitié, il ne faut pas perdre de vue que ce sont les fruits d’une réflexion qui s’est exercée sur le sentiment contraire, que cela constitue un sentiment du contraire né d’une réflexion sur des cas, des sentiments, des hommes qui provoquent simultanément le dépit, l’irritation, la raillerie de l’humoriste, lequel est aussi sincère en se livrant à ce dépit, à cette irritation, à cette raillerie qu’en exprimant cette indulgence, cette compassion, cette pitié. […] Tout sentiment, toute pensée, tout élan, au moment même où ils jaillissent, se dédoublent, chez l’humoriste, en leur contraire. […]

Car le propre de l’humoriste, en raison de l’activité particulière que la réflexion exerce en lui pour engendre le sentiment du contraire, c’est de ne plus savoir quel parti adopter, c’est la perplexité, l’état d’irrésolution de la conscience »

LUIGI PIRANDELLO.

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